Au Maroc, le Ramadan n’est plus seulement un mois de spiritualité. C’est aussi, et surtout, le rendez-vous des écrans. Chaque année, les chaînes nationales dégainent feuilletons, comédies et sitcoms à l’heure du ftour, dans l’espoir de rassembler familles et ménages autour d’un même écran. Et chaque année, le même cycle se répète : critiques acerbes, polémiques en série et records d’audience à la clé.
2025 n’échappe pas à la règle. Entre drames familiaux, thrillers sociaux et sitcoms essoufflées, la télévision marocaine déroule son tapis d’histoires. Certaines tentent de casser les codes, d’autres s’enlisent dans le déjà-vu.
Prenons “Dem Lmachrouk”, la bonne surprise du lot. Un thriller social qui ausculte les rouages de la corruption à travers le prisme des “frakchia”, ces voleurs de bétail que l’urbain ignore. Réalisation nerveuse, lumière soignée et casting solide… La série coche les cases. Mais voilà, comme souvent, l’audace se dilue dans des longueurs inutiles, des rebondissements prévisibles. Un potentiel fort, freiné par une écriture qui peine à aller au bout de ses promesses.
À ses côtés, “Jorh Kdim” joue la carte du mélodrame. Vieilles rancunes, blessures familiales et vengeance au programme. La série captive mais s’embourbe vite dans un trop-plein d’émotions. L’excès de pathos finit par lasser, même les plus romantiques.
“Rahma”, elle, ose aborder un sujet lourd : le handicap et la violence conjugale. Le propos est noble, le regard poignant. Mais là encore, la mise en scène trop académique freine l’impact. Un tableau sombre et nécessaire, qui aurait mérité plus d’audace visuelle et narrative.
Et puis, il y a les sitcoms, fidèles au poste, figées dans une boucle infernale. Même humour, mêmes situations, mêmes dialogues. On rit, par habitude plus que par surprise. Le format fatigue, l’inspiration s’étiole, et la caméra semble tourner en rond autour des mêmes décors, des mêmes vannes.
Au milieu de tout ça, Dounia Boutazout, figure familière, signe un retour difficile. Mal dirigée, mal servie par une écriture bancale, elle devient malgré elle le symbole d’un système qui use ses talents jusqu’à la corde.
La télévision marocaine reste incontournable pendant le Ramadan. Mais elle semble tourner en rond, comme prise au piège de ses propres schémas. La peur de perdre l’audience condamne la création à rester sage, à se répéter. Pendant ce temps, les plateformes avancent, et le public, de plus en plus exigeant, zappe ou s’exile vers d’autres horizons.
Le Ramadan est un moment propice à la réflexion. Peut-être le temps est-il venu pour notre télévision d’oser enfin sortir de sa zone de confort. De raconter autrement. De surprendre. Parce qu’à force de servir la même soupe, même les plus fidèles finiront par lâcher la cuillère.