Ce 26e jour du Ramadan, les maisons s’animent d’une effervescence spéciale. Car au-delà de la charge spirituelle de Laylat Al Qadr, il est de coutume d’initier les plus jeunes au jeûne, le temps d’une journée. Ce n’est pas une obligation religieuse, mais un apprentissage symbolique, soigneusement encadré par les parents.
L’expérience est mise en scène. L’enfant est paré de ses plus beaux habits traditionnels, maquillé ou orné de henné. Il devient le héros d’un jour. La table du ftour est dressée en son honneur, chargée de mets qu’il affectionne. On le prend en photo, on le félicite, on le chérit. Le message est clair : le jeûne est un acte de foi, mais aussi une fierté à partager.
Pour autant, l’effort demandé à l’enfant n’est pas négligeable. Tenir plusieurs heures sans manger ni boire n’a rien d’évident à un jeune âge. Alors les parents rivalisent d’ingéniosité pour distraire et occuper leurs petits jeûneurs : une sortie au zoo, un atelier cuisine, un jeu vidéo autorisé exceptionnellement… tout est bon pour faire passer le temps et alléger la difficulté.
Ce moment de transmission repose aussi sur la parole. Il s’agit d’expliquer les dimensions spirituelles du Ramadan, ses vertus purificatrices, ses récompenses symboliques. L’enfant comprend alors que le jeûne est un acte volontaire, porteur de sens, et non une simple restriction.
Mais attention à ne pas projeter sur les enfants l’endurance des adultes. Leur organisme en croissance exige un apport régulier en calories, en eau et en nutriments. Les spécialistes le rappellent : avant le jour de jeûne, l’hydratation est essentielle. On privilégie l’eau, le lait, les soupes, on évite les jus trop sucrés. Un repas nourrissant, sans excès, permet de mieux tenir la journée.
Le soir venu, après la rupture du jeûne, c’est l’heure des cadeaux. Une manière de féliciter l’effort, de graver dans la mémoire de l’enfant un souvenir heureux. Le Ramadan s’associe alors à la joie, au partage, à la reconnaissance. Une construction affective qui fera du jeûne, plus tard, un choix personnel et apaisé.
Dans cette tradition populaire, transmise de génération en génération, se mêle l’émotion du foyer, la réflexion religieuse, la fierté de grandir. Et même si l’expérience est parfois entrecoupée d’un petit verre d’eau volé ou d’un fruit picoré en cachette, elle s’ancre comme un premier pas sur un chemin de foi et d’autonomie.