À chaque Ramadan, c’est le même rituel. Les Marocains, toutes générations confondues, renouent avec la mode beldi. Djellabas, caftans, gandouras et jabadors envahissent les vitrines et les souks, portés par une ferveur qui ne faiblit pas. Ce n’est pas seulement une affaire d’élégance, mais une affirmation identitaire. Pourtant, derrière cet attachement aux traditions, une transformation silencieuse est en marche. Entre confection artisanale et prêt-à-porter de masse, la mode beldi oscille entre authenticité et adaptation aux nouvelles tendances.
Un retour aux racines, un marqueur culturel
Le Ramadan est un mois de spiritualité, mais aussi une période où les symboles culturels prennent tout leur sens. Porter une djellaba ou un caftan n’est pas qu’un simple choix vestimentaire : c’est un retour aux racines, un respect des traditions et une manière d’être en harmonie avec l’atmosphère du mois sacré. Dans les rues de Casablanca, Rabat, Fès ou Marrakech, l’effervescence des marchés spécialisés témoigne de cet engouement. Chaque année, couturiers et vendeurs de tissus redoublent d’efforts pour répondre à la demande, avec des modèles revisités qui mêlent savoir-faire ancestral et touches contemporaines.
Mais derrière cette image intemporelle, le paysage de la mode traditionnelle évolue. Le marché marocain voit émerger une nouvelle tendance : celle d’un prêt-à-porter inspiré de la tradition, mais produit en série.
Un artisanat sous pression, une industrie en mutation
Pendant longtemps, la mode beldi a reposé sur le talent et la minutie des artisans. Aujourd’hui, ces derniers font face à une concurrence accrue. Les grandes enseignes, locales et internationales, ont flairé le potentiel commercial de cette ferveur et proposent désormais des collections spéciales Ramadan. Résultat : des tenues traditionnelles revisitées, produites à la chaîne, plus accessibles et prêtes à porter.
Fouzia, couturière spécialisée à Rabat, observe cette évolution avec une certaine amertume : « Les clientes viennent encore commander des djellabas sur-mesure, mais la demande est moins forte qu’avant. Beaucoup se tournent vers le prêt-à-porter, plus rapide et souvent moins cher. » Cette mutation s’accompagne aussi d’un changement dans les modes de consommation. Autrefois, l’achat d’une djellaba ou d’un caftan relevait d’un investissement, un choix réfléchi. Aujourd’hui, ces vêtements s’achètent comme n’importe quel autre article de mode, à la recherche du bon rapport qualité-prix.
Quand la tradition se réinvente
Faut-il voir dans cette tendance une menace pour la mode beldi ? Pas nécessairement. Si l’artisanat doit s’adapter, il n’est pas condamné à disparaître. Au contraire, il semble emprunter un nouveau chemin, en intégrant des coupes modernes et des tissus plus légers pour séduire une clientèle jeune.
Hamza, 29 ans, en est l’exemple parfait. Chaque Ramadan, il s’offre une nouvelle tenue traditionnelle, mais il privilégie le confort et la praticité. « Je porte la djellaba pour les prières et les soirées en famille, mais j’aime aussi qu’elle soit moderne, bien coupée et facile à entretenir. »
Entre nostalgie et modernité, la mode beldi est en pleine mutation. Elle n’est plus seulement un héritage figé, mais un terrain d’innovation où l’artisanat coexiste avec l’industrie. Loin de s’éteindre, cette tradition vestimentaire trouve de nouvelles façons d’exister, prouvant que le Ramadan reste un moment où l’identité marocaine se célèbre à travers chaque fil tissé.
