Le 15 avril 2025, la Cour de cassation marocaine a fait ce que beaucoup n’osaient même plus espérer : elle a rendu justice à ceux qu’on condamnait au silence avant même leur premier cri. Pour la première fois, un enfant né d’un viol se voit reconnu le droit d’obtenir réparation de son géniteur, même en l’absence de lien légal de filiation. Une révolution discrète, mais qui fissure l’immobilisme d’un système longtemps aveugle aux drames humains derrière les procédures.
Car jusqu’ici, la règle était implacable : sans filiation légale, pas de droits, pas d’indemnité, pas même de reconnaissance. Un enfant né du crime était condamné à naître sans protection. En refusant de cautionner cet abandon juridique, la Cour pose un acte fort : celui de rappeler que la justice civile ne peut être complice de l’injustice sociale.
L’enfant n’est pas le crime
Dans un Maroc encore fracturé par les tabous sur la naissance hors mariage, l’arrêt de la Cour de cassation sonne comme un rappel éthique : l’enfant n’est pas le crime. Il est une victime. Et à ce titre, il mérite protection, soutien et réparation, indépendamment du statut civil de ses parents.
En requalifiant l’affaire sous l’angle de la responsabilité délictuelle, la Cour refuse que le droit soit l’otage d’une conception dépassée de la famille. Elle affirme que la réparation d’un préjudice ne doit pas être entravée par des considérations morales ou religieuses, mais guidée par l’impératif de dignité humaine. C’est un souffle d’espoir pour des milliers d’enfants aujourd’hui invisibles dans l’ordre juridique.
Et après : vers un changement de paradigme ?
Ce précédent judiciaire ne se contente pas de corriger une injustice individuelle. Il interroge tout un pan de notre droit qui persiste à faire de la naissance hors mariage un stigmate. À l’heure où la société marocaine revendique plus de protection pour les plus vulnérables, la jurisprudence ouvre une brèche salutaire : celle d’un droit civil au service des êtres humains, et non d’une orthodoxie dépassée.
Il ne s’agit pas seulement d’une victoire judiciaire. C’est un appel, silencieux mais puissant, à repenser la place des enfants nés en dehors des cadres légaux. À exiger que la dignité humaine prime sur les archaïsmes. À reconnaître que la justice, pour être juste, doit parfois avoir le courage de désobéir aux évidences.