Dans un communiqué rendu public après le derby, les groupes de supporters expliquent leur démarche : plusieurs réunions entre eux, puis avec les autorités, ont permis de clarifier leur position. Ils ont volontairement gardé le silence avant la rencontre, conscients de la tension actuelle dans la ville et du risque de récupération.
« Nous avons choisi la retenue, car nous connaissons la gravité de la situation. Mais aujourd’hui, il est temps de dire pourquoi nous avons déserté nos places », écrivent-ils.
Des travaux à rallonge sans résultats : Le complexe Mohammed V, pourtant un monument du sport national, est en perpétuelle rénovation. Trois fermetures en huit ans, des milliards dépensés, et toujours les mêmes patchworks de fortune. Pendant ce temps, d’autres stades voient le jour en quelques mois ailleurs au Maroc.
Restrictions et interdictions injustifiées : Les déplacements de supporters sont devenus un parcours du combattant. Des décisions incohérentes, du deux poids deux mesures entre villes, et des huis clos en cascade ont nourri un sentiment d’injustice.
Une métropole délaissée : Casablanca est la locomotive économique du pays, mais sur le plan sportif, elle reste à quai. Aucun nouveau stade digne de ce nom, des infrastructures vétustes, et un projet de stade en construction… à plus de 50 km, à Benslimane.
Des peines judiciaires jugées inéquitables : Certains jeunes supporters sont condamnés à des peines allant jusqu’à 15 ans de prison sur la base de l’article 507, souvent sans victimes. Les groupes dénoncent une criminalisation de leur mouvement alors qu’ils mènent eux-mêmes des actions pour moraliser les tribunes.
Une diabolisation médiatique orchestrée : Des chroniqueurs s’improvisent distributeurs de patriotisme, opposant bons et mauvais citoyens, en visant les ultras qui, pourtant, n’ont cessé de représenter fièrement le Maroc à l’étranger.
Un mépris politique affiché : Des déclarations comme "li bgha d-dar l-beida yq3od fiha" (celui qui aime Casablanca n’a qu’à y rester) et le traitement réservé aux clubs de la ville par les instances (FRMF, ligue, arbitres...) ont jeté de l’huile sur le feu.
Ce derby, amputé de sa ferveur légendaire, a révélé une vérité crue : sans ses supporters, le football perd son âme. Loin d’un simple acte de protestation, ce boycott a été un signal fort lancé à ceux qui gèrent – ou plutôt malmènent – le sport et la ville.
« Nous ne sommes pas des figurants dans une mise en scène politique. Nous sommes des passionnés, dévoués à notre ville et à notre pays », martèlent les groupes.
Un tournant ?
La balle est désormais dans le camp des autorités. Ce week-end, les gradins ont parlé. Il revient aux décideurs de prouver qu’ils ont entendu. Sinon, ce derby pourrait bien marquer le début d’une rupture durable entre les ultras et les institutions du football marocain.