La soirée du 2 novembre à Casablanca devait être ordinaire. Elle s'est transformée en drame. Dans une plainte déposée le 7 novembre auprès de la police judiciaire de Paris, S.F. accuse trois jeunes hommes de viol et séquestration. Parmi eux, Kamil Bennis, fils d’un ancien PDG des laboratoires Laprophan, ainsi que M’hammed Alj, héritier du patron de la CGEM, et Saad Slaoui, membre d’une autre grande famille d’affaires marocaines.
Selon les déclarations de la victime, la soirée s’est déroulée dans la villa de Kamil Bennis. Ce dernier, cousin de son conjoint Mohamed Amine Naguib, aurait organisé un événement marqué par l’usage de stupéfiants. S.F. affirme avoir été droguée à son insu. "À mon réveil, j’ai eu la même sensation que lors d’une anesthésie générale. Mon body était clipsé, mon pantalon remonté, mais je ne sentais rien. J’étais comme en dehors de mon corps", confie-t-elle.
Peu à peu, les douleurs lui révèlent une vérité insupportable. "C’est au moment du test urinaire pour la toxicologie que j’ai commencé à ressentir une gêne et des douleurs au niveau de mon appareil génital. Là, j’ai compris ce qui m’était arrivé."
Selon S.F., les événements de la soirée n’ont rien de normal. Elle raconte avoir ressenti un changement brutal dans son comportement. "On m’a dit que j’étais tactile avec d’autres hommes, notamment avec Kamil Bennis. Ce n’est pas dans mes habitudes", déclare-t-elle. Vers 6h du matin, son attitude devient agressive, un autre signe troublant selon elle.
Ses proches, informés de l’affaire, évoquent les symptômes du GHB, souvent surnommé "drogue du violeur". "Trou noir, désinhibition, réveil anesthésié… toutes mes amies qui ont entendu mon histoire disent que cela correspond aux effets du GHB", confie-t-elle.
Elle ajoute que, bien qu’elle ait insisté pour passer un test de détection au Maroc, celui-ci n’a pas été réalisé. À son retour à Paris, le test toxicologique révèle cependant des traces de cocaïne, une substance qu’elle affirme n’avoir jamais consommée.
Son conjoint, Mohamed Amine Naguib, a aussi été victime de violence ce soir-là. Selon S.F., il aurait tenté de la récupérer avant d’être expulsé violemment. "Mon amie m’a dit qu’Amine a appelé en détresse. Quand il a voulu venir me chercher, ils l’ont viré. Résultat : une fracture à la main et deux côtes cassées."
Elle se souvient également d’une altercation avec une ex-compagne de son conjoint. "Nous nous sommes disputées. À un moment, l’idée qu’elle ait pu mettre quelque chose dans mon verre m’a traversé l’esprit. Mais je n’y ai pas prêté plus d’attention."
Le comportement de Kamil Bennis après les faits renforce ses suspicions. "Une amie l’a appelé pour lui demander s’il avait eu une relation sexuelle avec moi. Il a répondu de manière évasive avant d’affirmer que j’étais consentante."
Les répercussions psychologiques de cette nuit sont lourdes. "Entre le 3 et le 4 novembre, j’avais envie de me suicider. Cela ne m’a pas complètement quitté, mais c’est par crises", confie-t-elle. S.F. admet avoir envisagé de se rendre aux urgences psychiatriques après avoir recherché en ligne une dose létale de tramadol.
Elle s’efforce aujourd’hui de se reconstruire, entourée de professionnels de santé et de ses proches. "J’ai envie de me réancrer dans la vie rapidement, de faire face à cette nouvelle réalité avec un traitement adapté."
S.F. décrit Kamil Bennis comme "un personnage à part, égocentrique et théâtral. Il se comporte comme s’il vivait dans un film à Miami." Bien qu’elle ait entretenu une relation cordiale avec lui par respect pour son conjoint, elle admet qu’elle ne l’aurait jamais fréquenté autrement. "Je ne me suis jamais retrouvée seule avec lui. À chaque fois, Amine était présent."
Elle évoque également un commentaire déplacé qu’il aurait fait. "Il disait qu’il n’était tombé que sur des 'folles' et qu’il avait de la chance que je sois là pour m’occuper de ses enfants une fois." Aujourd’hui, S.F. attend des réponses. "Je veux qu’il paie pour son crime, comme il le ferait en France. Je veux qu’il soit emprisonné, pour ma sécurité et parce que c’est juste", insiste-t-elle.
Alors que les trois suspects, Kamil Bennis, M’hammed Alj et Saad Slaoui, sont placés en détention provisoire à la prison de Oukacha, l’affaire reste suivie de près. Dans un pays où la justice est parfois perçue comme influencée par les élites, selon S.F. Cette dernière reflète une volonté de faire triompher la vérité. "J’attends que justice soit faite", conclut-elle.