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Édito : Quand l'espoir se nage et l'avenir se noie

Par EL BARHRASSI Meryem -le

Édito : Quand l'espoir se nage et l'avenir se noie
Il y a des histoires qui, derrière leur apparence tragique, révèlent une ironie noire qui laisse un goût amer. Prenons par exemple cette nouvelle mode : la « migration collective ». Ce terme qui semble tout droit sorti d’un plan marketing bien ficelé est en réalité l’un des symptômes les plus inquiétants de l’échec retentissant de la politique en direction des jeunes au Maroc. Fuir à la nage, à la lumière du jour, coordonné via TikTok et Instagram ? Voilà la dernière tendance pour ceux qui n’ont plus grand-chose à perdre, et encore moins à espérer.

Le 15 septembre, à Fnideq, des jeunes Marocains ont tenté une migration collective vers Ceuta. Rejoints par des Algériens, des Tunisiens et d'autres en provenance d'Afrique du Nord, ils ont pris la mer, espérant atteindre l'autre rive. Une date mémorable pour cette course désespérée à la mer, une véritable marée humaine qui cherchait à rejoindre un eldorado fantasmé de l’autre côté de la Méditerranée. L’opération a échoué, mais comme toute bonne série dramatique, un nouveau rendez-vous a été annoncé : le 30 septembre, même lieu, même objectif. La seule différence ? Une audience encore plus grande.

 

Ce n’est plus seulement une affaire clandestine, cachée dans les recoins sombres des nuits sans lune. Désormais, la migration se fait avec fracas, à la vue de tous, comme un acte désespéré et pourtant soigneusement orchestré. Les réseaux sociaux ne sont plus là pour montrer des chats mignons ou des défis de danse ridicules, non. Ils sont devenus des plateformes de coordination pour ces vagues migratoires qui, autrefois discrètes, sont aujourd’hui organisées comme des événements mondiaux.

 

Mais au fond, pourquoi en sommes-nous là ? Pourquoi une jeunesse marocaine – et pas seulement marocaine d'ailleurs, puisqu'on compte aussi d'autres nationalités africaines – se jette à l’eau dans un ultime pari pour fuir son propre pays ? Ce n’est pas qu’une question d’économie, même si la misère et le chômage jouent évidemment leur rôle. Non, il s’agit aussi d’une profonde déception, d’une frustration bouillonnante envers un système qui a trahi ses jeunes. Les politiques sociales et économiques ne sont plus que des promesses non tenues, des slogans usés jusqu’à la corde.

 

Et maintenant, on découvre que cette migration collective n’est pas le fruit du hasard ou d’une soudaine montée d’adrénaline. Il y a de vrais organisateurs derrière. Des réseaux bien huilés, des tactiques inspirées des « harragas » subsahariens, qui voient dans l’union la force de franchir les obstacles. Des groupes de mineurs, guidés par l’espoir ou l’inconscience, se lancent dans cette course mortelle, encouragés par les réseaux sociaux qui leur vendent un rêve aussi fragile que l'écume de mer.

 

Les autorités, elles, ne voient que la surface du problème. Un porte-parole de Ceuta a déclaré que cette migration massive ne pouvait pas être spontanée. Évidemment. Et alors ? Une enquête est demandée pour identifier les instigateurs, tandis que certains politiciens, toujours à la recherche de la théorie du complot parfaite, pointent du doigt les services de renseignement algériens. Parce que, bien sûr, quand des jeunes fuient en masse, c’est forcément la faute des autres.

 

Mais posons-nous la vraie question : et si c’était notre propre incompétence qui poussait ces jeunes à fuir ? Si, derrière cette 
façade de sécurité renforcée et de frontières infranchissables, c’était notre échec collectif à offrir un avenir décent à notre jeunesse qui les poussait vers la mer ? Pendant que certains discutent de mesures de sécurité plus strictes et de dispositifs anti-migrants, la vraie solution, elle, est bien plus complexe.

 

On parle de sécurité renforcée, de rapatriements, de coopération internationale. Très bien. Mais à quoi bon renforcer les frontières si nous continuons d’ignorer les causes profondes de cette fuite en avant ? Le manque de perspectives, l'absence de réelles opportunités économiques, la déconnexion totale des décideurs avec les besoins de la jeunesse marocaine. Cette jeunesse qui, chaque jour, voit son avenir s’échapper comme du sable entre les doigts. Alors elle fait quoi ? Elle nage vers Ceuta, parce que dans leur tête, là-bas, c’est peut-être mieux.

 

Le 15 septembre a échoué, le 30 septembre est en préparation. Et après ? Si nous ne faisons rien, si nous continuons à fermer les yeux, ces vagues migratoires ne feront que s'intensifier. Ce ne sont pas seulement les autorités de Ceuta qui devront faire face à ce phénomène, c'est tout le Maroc. Fnideq, Tanger, et bien d'autres villes du nord deviennent des points de tension, des plaques tournantes d’une jeunesse qui n’en peut plus d’attendre. Attendre un train qui n’arrive jamais, attendre une opportunité qui n'existe plus.

 

La réalité est là, brutale et inévitable : ce n’est pas en renforçant les frontières que nous résoudrons cette crise. C’est en offrant une alternative viable à ces jeunes, ici, chez eux. Il est grand temps de se demander pourquoi nos enfants préfèrent nager vers l'inconnu plutôt que de rester bâtir leur avenir sur leur propre terre.


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